Le baptistère de l'église Saint-Martin de Maizières-lès-Metz et ses symboles

 

A moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu. (Jean 3,5)

 

 Le baptistère est au bout d’un couloir appelé « allée des catéchumènes ». Celle-ci est rectiligne, nue, noyée dans du béton, comme si elle avait été creusée sous terre. Les sources de lumière pour éclairer cet espace sont rares, mais on peut noter, juste à gauche de l'entrée et avant la naissance de ce tunnel plutôt sombre, un vitrail aux éclats multicolores placé ici pour annoncer la Lumière promise aux chrétiens.

 

 

 

Le baptistère est un ensemble architectural remarquable, composé d'éléments qui s'ordonnent dans l'espace et dans le temps. Cet espace réservé au baptême, est tendu par deux lignes. L'une est horizontale ; elle est matérialisée au sol par une ligne semée de galets. L'autre est verticale ; elle relie les fonts baptismaux au puits de lumière qui les éclaire. Les autres éléments s'organisent au sol le long de la ligne horizontale ; en allant de la fin de l’allée des catéchumènes au fond du baptistère, il s'agit :

§  d'un mur en demi-cercle entourant la cuve baptismale,

§  d'un muret ouvert pour le passage

§  de deux plaques triangulaires

§  et d'une base en béton avec une encoche hémi circulaire.

 

Au premier abord, cet ensemble hétéroclite dérange plus qu’il n’inspire ceux qui doivent chercher une place pour participer à un baptême et, pourtant, tous ses éléments qui ont bien leur place ici, sont lourds de sens…

 

La cuve du baptême, plantée sur des galets dans un espace à demi-fermé, – galets usés par les eaux comme ceux qui tapissent le fond de nos rivières –, rappelle, sans faire trop d'effort d'imagination, le Jourdain, – ou encore ce torrent né au pied du temple et dont les eaux portent partout la fécondité (Ez 47, 9) –, et sa rive où Jésus a été baptisé. Le puits de lumière qui l'éclaire, fige l'instant où le ciel s'est ouvert au passage de l'Esprit ; contrairement aux puits qu’on creuse dans la terre pour y puiser l’eau, il est tourné vers le Ciel, cette nouvelle Terre, telle une fontaine de lumière s’alimentant à une source d’eau vive. Ainsi, au moment du baptême, le nouveau‑né se retrouve dans un environnement semblable à celui du lieu du baptême de Jésus, prêt à "renaître de l'eau et de l'Esprit" et à entendre cette parole du Père : « tu es mon Fils bien-aimé, tu as reçu toute ma faveur » (Mc 1, 11)

 

Les deux triangles en béton séparés par la ligne de galets, n'appartiennent pas au même épisode de l'histoire du peuple hébreu. Ils représentent sa traversée de la Mer des Roseaux, – et le premier baptême de nos Pères (1 Co 10, 2) –, sous la conduite de Moïse, au terme d'une course effrénée et désespérée devant Pharaon et son armée. Des triangles pour représenter la Trinité ; des triangles pour représenter les mains de Dieu retenant les flots menaçants… qui se sont refermés sur Pharaon et ses troupes, les détruisant. Ils sont dressés comme une Porte étroite aménagée dans le muret qui marque la séparation entre le temps de l'esclavage et celui de la liberté, entre le monde des ombres et celui de la lumière, entre le monde de la loi et celui de la foi. Ils forment un couloir étroit qui s'ouvre, à la fin de l'Exode, sur la terre Promise, Jérusalem. C'est ici que s'achève le temps des Patriarches ; c'est ici que commence celui des Prophètes. La ligne de galets qui relie les plaques en béton à la cuve du baptême, est alors comme un canal conduisant l'eau de la Mer des Roseaux vers la vasque baptismale pour libérer l'Homme de l'esclavage et pour en faire un Homme libre. L'eau du baptême fait naître à nouveau (Jean 3,5). Ainsi, par le baptême, l'Homme ancien meurt et ressuscite, imitant en cela le Christ.

 


Pour comprendre le dernier élément architectural de cet ensemble, il faut encore remonter le temps. C'est ici la place du cierge pascal planté sur une plage de galets de l’océan primordial (Gn 1, 6). Cierge à allumer en souvenir de cet instant où le monde a été illuminé au premier jour, par un simple "que la lumière soit" (Gn1, 3). Nous voici à l'origine du temps (au big bang des savants), à cet instant où le Christ était auprès du Père (Jean 17, 5), à cet instant où l'Esprit planait sur les eaux (Gn 1,1), fécondant la Terre pour la faire grouiller de Vivants. L'eau associée au cierge pascal apparaît alors sous sa dimension primordiale : c'est le milieu qui donne la vie.

 

Pour comprendre l'ordonnancement de toutes ces pièces dans le temps, il nous faut examiner le dispositif dans le sens du temps qui passe et non plus dans le sens de cette visite.

 

La ligne de galets a une origine temporelle, – l'emplacement du cierge pascal –, et se déroule, dans le Temps, à partir de ce point. Elle porte, non seulement les principales stations du baptistère qui sont autant d'étapes dans l'histoire des chrétiens, mais aussi toutes les étapes de l'évolution de l'univers. Cette ligne est alors axe du monde, axe orienté qui sous-tend le projet du Créateur, ne laissant rien au hasard (à moins que, comme le dit ce joli mot, "Hasard soit le nom que Dieu s'est donné pour passer incognito"). Le Christ, nécessaire au salut des Hommes, a été voulu dès l'origine. Et quand le Petit d'Homme est porté sur la vasque baptismale, la ligne de galets récapitule alors toute sa généalogie. Non seulement celle qui s’étend sur quelques dizaines de générations, mais celle qui dure depuis quinze milliards d'année et qui relie, – sans jamais avoir été rompue –, chacun de nous, tel un cordon ombilical, au premier jour de la création, à la volonté du Père de nous créer, à Sa main dont les plis sont autant de rivières qui arrosent nos racines. Quinze milliards d'années du jour où "la lumière fut" au jour du baptême, en passant par la traversée miraculeuse de la Mer des Roseaux, prémices de la libération, par l'Esprit, de l'Homme En Prison (l'Homo slavus) et qui s'est manifestée de façon si éclatante chez Pierre (Ac 11, 7).

 

Ainsi le baptistère est l'endroit où le chrétien est recréé ; il est l'endroit où il renaît. La forme circulaire des "rives du Jourdain" prend alors un sens tout particulier. Cette limite est ronde comme le ventre de la mère qui va accoucher, ronde comme la Terre grosse d'une extraordinaire promesse…Les deux axes qui sous-tendent cet espace, agissent comme des cordons ombilicaux qui, quel que soit le chemin emprunté, nous conduisent à Dieu. Cordon horizontal qui relie chacun de nous au Père Créateur aux mains encore couvertes du limon de notre chair, et qui nous fait comprendre la nécessité impérieuse de nous nourrir de pain (de nourriture terrestre), si nous ne voulons pas mourir. Cordon vertical qui nous relie à l’Esprit et qui nous fait comprendre la nécessité tout aussi impérieuse de nous nourrir d'un autre Pain, si nous voulons la vie éternelle.

oOo

Quand je regarde mon histoire, TOUTE mon histoire, je suis effrayé à l’idée qu’il aurait suffit de la rupture d’un seul fil qui me relie aux premiers temps de la création pour que je ne sois pas ! Et si « je suis », c’est qu’Il t’a fallu, Père, patience et détermination, confiance et fidélité à Ta promesse. Un seul mot s'impose à mon âme pour contenir tant de qualités qui font son émerveillement : l'Amour. L'Amour du Père pour Sa Créature en devenir.

Tu m'as façonné comme si j'étais seul, comme si chacun de nous était Ton Unique, entremêlant les liens qui nous unissent à Toi pour Te tisser l'habit qui, en le revêtant, va Te rendre visible à tous, et ainsi Te révéler au Monde. Tu nous as façonnés comme le potier pétrit la glaise, faisant apparaître, à chaque pression de Ton pouce, tout ce qui habite l'univers, pour commencer les étoiles et pour finir Quelqu'un avec qui partager Ton Amour. Devrions-nous rester les bras ballants et nous contenter de contempler Ta Splendeur ? Quelque chose, au fond de nous, nous dit que tout n'est pas achevé ; nous sommes comme l'enfant qui vient de naître et dont le corps a besoin de se construire. Maintenant que nous sommes entrés dans Ton intimité, dis-nous pourquoi Tu nous as fait émerger de la Matière et portés à la Lumière de l'Esprit !

R. Pazdej